Que peut apporter le bouddhisme à la société d’aujourd’hui ?

__________________________________________________________

 

        L’histoire du bouddhisme a montré au cours de sa propagation dans le monde une adaptation aux diverses sociétés et au contexte socio-culturel de chaque pays.

        Cette évolution avec adaptation à l’environnement local a conduit à des changements importants, avec apparition de multiples branches du bouddhisme, certaines gardant une forme plus philosophique, d’autres prenant une forme plus religieuse.

 

        - Vers le sud, le bouddhisme s’est propagé très tôt à partir de la basse vallée du Gange au Sri Lanka, et aux pays du sud-est asiatique, donnant le Theravada (ou Véhicule des Anciens).

        - Vers le nord-ouest, il s’est développé au Gandhara (c-à-d du nord du Pakistan et du nord-est de l’Afghanistan actuels) et dans les pays de l’Asie Centrale, donnant le Mahayana (ou Grand Véhicule) indien.

        - En prenant la Route de la Soie, à travers le bassin du Tarim, il est arrivé en Chine jusqu’à sa capitale Chang-an (aujourd’hui Xi-an), s’y est développé en Mahayana (Grand Véhicule) chinois, puis s’est propagé au Japon, en Corée, au VN. Beaucoup plus tard, il est parvenu au Tibet et dans les pays voisins, où il est devenu le Vajrayana (Véhicule du Diamant).

        Si bien que nous aboutissons aujourd’hui à la répartition suivante, entre les pays du sud, pratiquant le Theravada, etles pays du nord, pratiquant le Mahayana et l’une de ses branches, le Vajrayana.

        On pourrait compléter ce tableau de propagation du bouddhisme par une dernière direction : vers l’ouest, c-à-d vers l’Europe et l’Amérique, autrement dit par la rencontre du bouddhisme avec la civilisation occidentale, c-à-d méditerranéenne et judéo-chrétienne.

        Celle-ci a commencé au 19è s. avec la découverte du bouddhisme par des philosophes occidentaux, et la traduction des Ecritures bouddhiques par la Pali Text Society britannique, et s’est concrétisée à la fin du 20è s. avec l’arrivée en occident de moines Zen, puis Theravadin et enfin Tibétains.

 

        Pour répondre à la question : « Que peut apporter le bouddhisme à la société d’aujourd’hui ? », il faudrait aussi sans doute préciser deux choses:

        - Premièrement, quels sont les problèmes rencontrés par cette société, quels sont ses besoins, ses demandes, ses attentes ? et

       - Deuxièmement, quelle forme de bouddhisme pourrait-on proposer, autrement dit quelle est la forme de bouddhisme qui répondrait le mieux à ces attentes ? ».

        Car toutes les formes de bouddhisme ne sont pas forcément adaptées à ces demandes. Même si elles se réclament toutes issues de l’enseignement du Bouddha, les Ecoles du Theravada, de la Terre Pure, du Zen, du Vajrayana ne le pratiquent pas de la même façon.  

        De plus, chacun peut avoir plus d’affinité avec une Ecole bouddhique et sa manière de pratiquer.

 

        1) Quels sont les problèmes de la société occidentale d’aujourd’hui, qui est aussi le modèle de développement vers lequel tendent d’autres sociétés dans lemonde ?

        Tout d’abord, la peur et le sentiment d’insécurité.

        - Notre société est encore hantée par le souvenir de la seconde guerre mondiale, le génocide de la shoah et bien d’autres guerres et génocides qui ont marqué le 20è s., et nous vivons en permanence avec la peur du terrorisme et du djihadisme, ainsi que celle d’un choc toujours possible entre des superpuissances nucléaires surarmées, risquant d’embraser le monde. Les actualités nous offrent tous les jours des spectacles de violence et d’agression, sous toutes ses formes.

        Plus que jamais, la peur et le sentiment d’insécurité face à la violence et la haine, pèsent sur les hommes et les femmes d’aujourd’hui.

 

        - Le deuxième problème est la forte pression exercée par l’économie mondialisée, dite « de marché », poussée par le productivisme et le consumérisme.

        La recherche du confort matériel, l’acquisition des biens s’échangent contre la perte de la qualité de vie et du simple bonheur. La course effrénée à la productivité se fait au dépens de l’épanouissement de l’individu, et aussi au dépens de l’équilibre naturel environnemental.

        Cette suractivité humaine est en grande partie responsable de nombreuses menaces écologiques qui pèsent sur la planète, telles que la pollution, l’épuisement des ressources, la déforestation, le changement climatique favorisant les catastrophes naturelles et l’émergence de nouvelles épidémies comme la Covid, la perte de biodiversité. Tous ces changements risquant de devenir irréversibles et grevant l’avenir des générations futures...

        - De plus cette économie ne cesse de creuser l’inégalité entre les riches et les pauvres, entre les pays du nord et du sud, augmentant ainsi les tensions entre les communautés, favorisant la xénophobie, avec le rejet et la haine de l’autre.

        A l’intérieur de chacun, c’est le stress qui est à l’origine de l’anxiété, de dépression à des degrés divers, et entre individus dans la société, de la méfiance, de l’incompréhension, voire de l’agressivité, de l’intolérance.

        Plus que jamais, l’homme d’aujourd’hui a besoin de sagesse, de tempérance, de sobriété et de lucidité, en suivant le chemin des sages d’autrefois conduisant au vrai bonheur. 

 

        2) Quel bouddhisme pourrait-on proposer pour répondre à ces attentes ? 

        A partir des problèmes de notre société d’aujourd’hui, nous pouvons résumer ces attentes en quelques mots : des messages de paix, de tolérance, d’amour bienveillant et de compassion, qui ne sont pas l’apanage du bouddhisme, mais qu’il n’est pas superflu de renouveler.

        On attend aussi beaucoup aujourd’hui de ce que le Dalaï Lama appelle une « spiritualité laïque », c-à-d une philosophie de vie (et non pas une religion, qui fait appel à la foi, laquelle peut parfois dégénérer en une foi aveugle, intolérante et violente). Une philosophie de vie cultivant des vertus humanistes et universelles, telles que prônait le Bouddha Gotama il y a 25 siècles, et qui gardent toute leur valeur.

        En partant de l’énoncé des 4 Vérités : la souffrance, dont chacun est responsable de ses causes, c-à-d l’illusion de la permanence et l’attachement à l’ego, et l’arrêt de la souffrance grâce à l’Octuple chemin de la délivrance, qui n’est rien d’autre qu’une vision juste des choses et une conduite juste dans la vie.

        C’est une démarche rationnelle, pragmatique, on pourrait même dire médicale, tout à fait adaptée à la société d’aujourd’hui, qui est technologiquement avancée mais moralement déboussolée, en quête de valeurs.

 

        De plus, le principe de « coproduction conditionnée », si particulier au bouddhisme, permet à l’homme de se situer, non pas au centre du monde, ni à part, mais comme faisant partie intégrante de l’univers, à la fois connecté et interdépendant avec tous les autres éléments de la nature.

        D’où une tendresse particulière à l’égard de tous les êtres vivants, des animaux, des plantes dont nous sommes les cousins lointains, des minéraux dont nous sommes faits, et qui conduit tout naturellement à défendre l’écologie et à préserver la Terre, notre mère nourricière.

       

        Enfin, la méditation de « pleine conscience » reposant sur la « juste attention », enseignée par le Bouddha Gotama comme entraînement mental, a été depuis une quarantaine d’années utilisée en occident pour traiter des maladies liées au stress, et explorée scientifiquement par les neurosciences.

        On a pu ainsi démontrer les effets positifs de la méditation sur les fonctions cognitives, mais aussi sur la régulation des émotions, diminuant les émotions négatives destructrices comme l’anxiété et la dépression, et augmentant les émotions positives comme la joie et le bonheur, améliorant ainsi la santé en général. On sait aussi que la méditation supprime le « vagabondage mental », avec la « préoccupation de soi », qui comme l’a indiqué le Bouddha, est la principale source d’anxiété et de souffrance.

 

        En conclusion :

 

        Les troubles qui agitent notre société: la peur, l’insécurité face à la violence, le stress par la pression économique, le productivisme, les menaces écologiques, l’anxiété et la dépression latentes, peuvent trouver dans le bouddhisme des valeurs morales universelles et un remède efficace.

        Il peut être suivi comme une philosophie pragmatique et basée sur l’expérience, offrant à l’homme une vision holistique d’un monde interdépendant, et grâce à la pratique de la « pleine-conscience », la régulation des émotions avec plus d’émotions positives, telles la compassion, la compréhension de l’autre, la joie partagée, la paix et la sérénité.

        Pour ceux qui pratiquent le bouddhisme comme une religion, la foi-dévotion en les Bouddhas et Bodhisattvas peut aussi leur apporter la joie et la sérénité, pourvu qu’ils gardent les valeurs fondamentales du bouddhisme : la compassion, la lucidité et le détachement de soi.

 

 

Trinh Dinh Hy

12/12/2021