Sagesse et foi dans le bouddhisme

 

          Lorsque j'étais jeune au Viêt Nam, comme la plupart desenfants viêtnamiens à l'époque, j'accompagnais parfoismes parents à la pagode pour assister à des cérémonies funéraires. On brûlait de l'encens, on faisait des offrandes au Bouddha, on récitait des prières, rythmées par le son des "poissons de bois" (1) et des cloches... C'était tout ce que je retenais du bouddhisme, une tradition religieuse destinée à réaliser des rites funéraires, en vue d'une meilleure prochaine réincarnation du défunt.

          Mais cette vision simpliste fut ébranlée lorsqu'un jour au lycée, mon professeur de français se tourna soudain vers moi et me dit: « Le bouddhisme est une philosophie plutôt qu'une religion, n'est-ce pas, Trinh? » Surpris et embarrassé, je ne sus quoi répondre, sinon en murmurant un petit "oui" peu convaincu...

          Plus tard, je réalisais qu'il avait entièrement raison, mon professeur. Le bouddhisme à son origine et dans son essence est une philosophie, ce qui le distingue nettement des autres religions. Mais avec le temps, il est devenu, ou plutôt il a été transformé, en une religion avec des fidèles vénérant des divinités bouddhiques et des écritures sacrées, ainsi que des moines et des moniales, assurant dans les monastères la liturgie avec des rites, des cérémonies et des prières.

 

         Qui dit philosophie dit raison, sagesse, et qui dit religion dit foi, croyance. On touche là deux domaines différents de la psychologie humaine, le cognitif et l'affectif.

          Mais comment le bouddhisme peut-il revêtir à la fois ces deux aspects, de philosophie et religion, autrement dit de sagesse et de foi? Le fidèle bouddhiste doit-il choisir l'un entre ces des deux aspects, ou bien peut-il passer de l'un à l'autre, suivant les circonstances de la vie? Et comment le bouddhisme philosophique des origines a t-il évolué vers le bouddhisme religieux, sous quelles influences et dans quels contextes socio-culturels? Nous allons essayer dans cet article de répondre à ces questions.

 

          Il est habituel de dire qu'en orient, on ne fait pas la distinction entre la philosophie de la religion, comme en occident; autrement dit qu'en Inde ou en Chine, on ne pose pas la question si le bouddhisme est une philosophie ou une religion.

          En fait, d'après la tradition de l'Inde ancienne (à l'époque du bouddhisme, au 6è-5è s. avt JC), il existe trois chemins de salut ou de délivrance (2). On entend par délivrance la sortie du cycle sans fin de mort et de renaissance (ou réincarnation) (3) auquel tous les êtres vivants sont soumis. Ce sont :

-        le chemin de la foi-dévotion,

-        le chemin de l'action rituelle, et

-        le chemin de la connaissance (4).

          Le bouddhisme est classé dans le troisième chemin, alors que les autres religions, notamment le brahmanisme (religion dominante dans l'Inde ancienne) dans le premier et le deuxième.

          En effet, dans l'enseignement du Bouddha rapporté dans les textes du Canon pali, on est frappé par la grande rationalité de ses propos, lorsqu'il argumente en utilisant des exemples et des paraboles concrets, sans jamais se laisser entraîner dans des notions abstraites, métaphysiques, ou surnaturelles.

          Cette rationalité imprègne tout l'enseignement du Bouddha, et constitue l'un des traits caractéristiques du Bouddhisme originel, encore appelé ancien ou primitif.

 

La sagesse, la connaissance dans le bouddhisme originel

          Le nom de Buddha (qui a été attribué à Siddhattha Gotama seulement après sa disparition)(5), vient de la racine Ö bud, qui signifie "savoir". Bouddha est "celui qui connaît, qui comprend parfaitement". Bodhi (6) veut dire "s'éveiller". A quoi? A la réalité du monde, à la vérité découverte et énoncée par le Bouddha.

         Il existe plusieurs termes en langage indien ancien pour désigner le savoir, la connaissance: ñāṇa, vijjā (qui désignent la connaissance ordinaire) et pañña (qui désigne la connaissance profonde, la compréhension complète, c-à-d la sagesse)(7).

          Dans la chaîne de l'"origine en dépendance" ou "co-production conditionnée" (8) enseignée par le Bouddha, formée de 12 liens de causalité, lorsque l'on remonte à son  commencement, on trouve l'"ignorance" (9) qui conduit finalement à la vieillesse et la mort. Donc pour interrompre cette chaîne, il faut supprimer l'"ignorance", grâce à la connaissance et la compréhension profondes, c-à-d la sagesse.

          Il faut remarquer que l'"ignorance" fait partie des "trois poisons (ou racines)" (10), avidité, haine, ignorance, à l'origine de la souffrance, c-à-d la 2è vérité enseignée par le Bouddha.

          Et la sagesse fait partie de la "triple discipline"(11): éthique (sīla), concentration (samādhi) et sagesse (pañña), c-à-d la 4è vérité.

 

          Donc, dans le bouddhisme originel, la connaissance humaine joue un rôle central, essentiel.

          - On peut dire que la doctrine du Bouddha est une véritable révolution culturelle par rapport aux autres religions (de l'époque:mazdéisme, hindouisme, judaïsme, ou venues plus tard: christianisme et islam), un humanisme, qui centre le problème existentiel sur l'homme et non pas sur les forces surnaturelles, les divinités ou un Dieu tout-puissant.

          - Au lieu d'une approche mythologique ou théologique, elle a une approche que l'on peut qualifier de "scientifique", ou de "psychologique".

          - Cette approche est pragmatique, basée sur la logique et l'expérience, et non pas sur des spéculations théoriques.

          - Elle va exercer une influence sur le mouvement appelé gnostique, apparu au 1er s. en contradiction avec le judaïsme et le christianisme dans le monde hellénistique, et s'étendant au Moyen Orient avec une grande vitalité sur les 2 siècles suivants (12).

 

La foi a t-elle un rôle dans le bouddhisme originel?

          Il existe 2 termes correspondant à la foi, dans l'Inde ancienne (13):

          1)bhakti: foi-dévotion, confiance absolue, amour-abandon envers puissances surnaturelles, divinités, Dieu. Cette forme de foi n'a pas sa place dans le bouddhisme originel.

          2) saddhā: foi-de-confiance, en un maître, un guide. Confiance relative, dans le temps, en quelqu'un qui montre le chemin et guide les premiers pas; ultérieurement, on marche plus solidement, avec assurance, et peut donc se passer de guide. Confiance relative, en gardant un esprit critique, comme l'enseignait le Bouddha aux habitants d'un village, les Kālāma (14): "Kalamas, ne vous laissez pas guider par ce que vous avez entendu dire, ni par les traditions. Ne vous laissez par guider par l'autorité des textes religieux, ni par la simple logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances, ni par la pensée: ‘Il est notre maître spirituel’. Mais, Kālāma, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont mauvaises, défavorables, alors renoncez-y. Et lorsque par vous-mêmes vous savez que certaines choses sont favorables et bonnes, alors acceptez-les et suivez les."

          Saddhāne fait pas partie de l'Octuple chemin (il n'y a pas de "juste foi"), mais des 5 facultés et des 5 forces (15), les autres étant : énergie (viriya), attention (sati), concentration (samādhi) et sagesse (paññā).

          Dans le parcours du bouddhiste, saddhāintervient à 2 moments :

          - Engagement dans la Voie: "entrée dans le courant" (sotāpana), c-à-d la 1ère étape de la délivrance) (16).

         - Cérémonie de Prise de Refuge avec le Triple Joyau (Bouddha, Dhamma, Saṃgha) (17).

 

Comment la foi est-elle arrivée ultérieurement dans le bouddhisme?

          Les 6 derniers mois de la vie du Bouddha et sa mort ont été racontés de façon détaillée dans le Sutra de la Grande Extinction (18). A sa mort, après une période de longue maladie, ses funérailles ont été célébrées de façon grandiose à Kusinara au pays des Malla, comme un "Roi Universel" ayant "mis en mouvement la Roue de la Loi". Ayant appris la nouvelle, les rois et les princes des pays alentour ont accouru avec leur armée, se disputant les reliques du Bouddha afin de les ramener et les vénérer chez eux. Finalement la guerre a été évitée de justesse grâce au partage en 8 parties égales de ses reliques. C'étaient les premiers signes d'une foi-dévotion au Bouddha, vénéré comme un être surnaturel. Alors qu'auparavant celui-ci mettait en garde ses élèves: "Ce n'est pas en célébrant avec magnificence les funérailles du Tathāgata que l'on lui rend hommage. C'est vivre selon le Dharma".

          Malheureusement, peu de temps après la mort du Bouddha, sont apparues des divergences, des dissensions au sein de la Saṃgha (formée de plusieurs communautés de moines).

          - D'abord une centaine d'années après, lors du 2è Concile à Vaiśālī, réuni pour des questions de discipline monastique, conduisant à la scission de la communauté en 2: l'Ecole des Anciens (Sthaviravāda)(19) et la Grande Assemblée (Mahāsāṃghika).

          - Une centaine d'années encore après, sous le règne de l'empereur bouddhiste Aśoka, le 3è concile à Pātaliputtā voit encore se détacher une autre branche de la première, l'Ecole Sarvāstivāda ("Tout-existe")(20), puis la division se poursuit jusqu'à une vingtaine d'écoles au moins, vers le début de notre ère.

          Ces divisions sont apparues à la suite de divergences sur l'interprétation de l'enseignement originel du Bouddha, et à l'émergence de conceptions nouvelles soutenues par de nombreux sūtra (discours du Bouddha) et śāstra (traités), dits du Grand Véhicule (Mahāyāna) (lequel traite les autres de Petit Véhicule, hīnayāna):

          1) La théorie des 3 Corps du Bouddha (trikaya)(21)

particulièrement développée par l'Ecole Transcendentaliste (Lokottaravāda), où le Bouddha apparaîtrait sous trois formes: le corps charnel de transformation, le corps céleste de félicité, et le corps du Dharma ou principe de Bouddhéité cosmique, universel.

          2) La prééminence du bodhisattva sur l'arahant. Le bodhisattva est l'être éveillé qui a fait le serment de secourir tous les êtres sensibles avant d'accéder au nirvāṇa. L'idéal de bodhisattva,qui incarne la compassion, fait que le véhicule qu'il emprunte (bodhisattva-yāna) est considéré comme supérieur aux 2 autres (śrāvaka-yāna, pratyekabuddha-yāna)(22), qui n'incarnent que la connaissance.

          Ces deux conceptions aboutissent à l'apparition de nombreux Bouddhas (autres que le Bouddha historique) et de bodhisattva, autrement dit un véritable panthéon bouddhique.

          3) La foi-dévotion en le Bouddha Amitābha (Lumière infinie) ou Amitāyus (Durée infinie), qui accueillerait les fidèles après leur mort au pays de Félicité de l'Ouest (Sukhāvatī)(23). Ce courant va se développer fortement en Chine et en Asie orientale, avec l'Ecole de la Terre Pure.

          4) La notion d'"embryon ou matrice de Bouddha" (tathāgatagarbha): chacun a en soi la "nature de Bouddha" (buddhata), un potentiel de devenir Bouddha, mais qui est aussi en même temps la Bouddhéité, le Champ de Bouddha, la "conscience réceptacle" (ālayavijñāna, de l'Ecole Yogācāra, Rien-que-conscience), l"esprit clair", l'"Ainsité", la Réalité absolue, ultime, éternelle, ineffable (24)... Pour les chercheurs bouddhistes, on est passé à un essentialisme, un absolutisme qui n'existaient pas au temps du Bouddha.

          5) La notion de vacuité (śūnyatā) développée d'une part par le sūtra de la Perfection de Sagesse (Prajñāpāramitā), collection de textes en vers rédigée entre le 1er s. avt JC et le 5è s., dont les 2 plus connus sont les sūtra du Coeur et le sūtra du Diamant(25); et d'autre part par Nāgārjuna, moine-philosophe du 2è-3è s, dans son Traité du Milieu(26). Pour ce dernier, la vacuité est l'absence de "nature propre" des choses, donc synonyme de "non-soi" et de "co-production conditionnée" enseignés par le Bouddha. Les mahayanistes chinois l'interprètent plutôt comme l'absence de réalité des choses, mais qui est aussi la Réalité absolue ultime, réalisée par l'éveil. D'où l'expression "Vraie vacuité - existence merveilleuse" (zhēnkōng miàoyǒu).

          6) Le mouvement tantrique avec l'utilisation de rites, de formules et syllabes sacrées (mantra) censées de relier l'esprit à l'univers, très populaire, a commencé à infiltrer les religions hindoues et bouddhistes à partir du 6è-7è s.

 

          Toutes ces notions, apparues longtemps après la disparition du Bouddha, ont été à l'origine des branches du Mahāyāna, d'abord en Inde du sud et surtout du nord-ouest, puis en Chine grâce à des traductions de textes du sanskrit en chinois.

          Là, le bouddhisme s'est développé en un bouddhisme proprement chinois :

          - en s'adaptant au milieu socio-culturel chinois, imprégné de confucianisme et de taoïsme,

          - avec la création de nouveaux sūtra (appelés apocryphes, "faux" ou "douteux") et śāstra(traités). Le śāstra le plus influent est l'"Eveil de la foi en le Mahāyāna" (Mahāyāna-śraddhotpāda śāstra)(27), attribué à un patriarche indien du 1er-2è s. Aśvaghoṣa, mais qui était en fait une oeuvre rédigée en Chine,

          - et sous l'influence de patriarches chinois, la création de diverses Ecoles: des "Trois traités", de la "Plate-forme Céleste", de l'"Ornementation Fleurie", de la "Terre Pure", de "Méditation","Esotérique" (28), vers les 5è-6è s.

          On aboutit ainsi dans le bouddhisme chinois, qui se propageait ensuite dans les autres pays de l'Asie orientale (Japon, Corée, VN), à une forme debouddhisme de la foi, où la foi devient un facteur important par rapport à la connaissance. Ceci à des degrés divers suivant les Ecoles bouddhiques: essentiel dans l'Ecole de la Terre Pure, moindre dans le Chán. Celui-ci occupe une place à part, centré sur la "vacuité" et influencé par le taoïsme, reniant à la fois la raison et la foi-dévotion, mais croyant à la Bouddhéité, "l'esprit originel et clair".

 

Le bouddhisme où la foi est essentielle: la Terre Pure ou amidisme

          Le représentant du bouddhisme de la foi le plus répandu en Asie orientale est celui qui vénère le Bouddha Amitābha-Amitāyus, dont le nom figure pour la première fois au 2è s. dans un sūtra né au Kashmir, Pratyutpanna Samādhi ("S. de la concentration pour la rencontre avec les Bouddha du présent")(29). Ce sūtra recommande comme méthode de méditation la recollection ou visualisation, intense et prolongée,du Bouddha Amitābha, afind'aller à sa rencontre et recevoir son enseignement. Cette méthode est appelée buddhānusmṛti (30), qui veut dire littéralement "(garder l') attention sur le Bouddha". Le patriarche chinois Hùiyán(4è-5è s.), enl'appliquant avec une centaine d'élèves sur le mont Lu, a ainsi fondé l'Ecole de la Terre Pure. Dans l'esprit de cette Ecole, la vénération du Bouddha Amitābha apporte à chacun des mérites contribuant à son propre salut.

          Pour Nāgārjuna, le "chemin de la sagesse" vers la délivrance est difficile, alors que le "chemin de la foi" est facile. C'est ce que reconnaît aussi lepatriarche chinois de la Terre Pure Tánluán (5è-6è s.), qui fait la différence entre le premier, qui s'appuie sur la "force-de-soi"  et la seconde, qui s'appuie sur la "force-de-l'autre" (31). Mais chacun peut choisir ce qui lui convient. Lepatriarche Dàochuò (6è-7è s.)par contre,s'appuyant sur une chronologie divisant le temps écoulé entre la disparition du Bouddha et l'époque actuelle en 3, le " Dharma juste ", le "Dharma contrefait"et le "Dharma décadent" (32), affirme que, compte-tenu que l'on se trouve dans la dernière période du "Dharma décadent", le "chemin des sages"(zhèngdào), difficile et reposant sur la "force de soi" ne marcherait pas, et que seul le "chemin de renaissance dans la Terre Pure" (33), facile et faisant appel à la "force de l'autre", avec la récitation du nom de Bouddha (niànfó),était la seule pratique susceptible de réussir.

          En encourageant le choix du chemin de la foi avec de multiples moyens (prières, récitation des noms de Bouddha et Bodhisattvas, mantra, sons et musique, décors, etc.) les patriarches du Mahāyāna ont exploité une notionqui lui est propre, celle de "moyens habiles"(34) utilisés pour parvenir au salut et à l'éveil. Celle-ci a étéparticulièrement développéedans le très populaire sūtra du Lotus (35). 

          Grâce à ce pragmatisme et cette simplicité apparente séduisant les masses populaires, le bouddhisme de la foi de l'Ecole de la Terre Pure est devenu largement majoritaire en Asie de l'Est, alors que le monde occidental est plutôt attiré par la sagesse et la philosophie bouddhiques, à travers le Theravāda ou Ecole des Anciens, le Chán (Zen) et le Vajrayāna (ce dernier se présentant sous les 2 aspects à la fois).

          La question qui peut se poser alors est: le Mahāyāna tel qu'il est pratiquépar les fidèles de la Terre Pure, fait-il encore partie de la voie enseignée par le Bouddha Gotama il y a 25 siècles? C'est-à-dire de la triple discipline: éthique, méditation, sagesse, visant à extirper chacun en soi les causes de la souffrance. Puisqu'il n'y a qu'à prier le Bouddha, qu'à réciter son nom (comme pour la secte Nichiren) pour accéder au salut, pourquoi ne pas prier comme dans les autres religions, Dieu ou d'autres divinités?

 

          En guise de conclusion, on pourrait résumer ainsi:

          - Dans le bouddhisme originel, la sagesse, c'est-à-dire la compréhension profonde, est essentielle, alors que la foi, qui est une foi-de-confiance (en un guide ou dans les écritures exposant le Dharma), n'est qu'une aide provisoire dans l'entraînement spirituel conduisant à la délivrance de la souffrance.

         - Dans le bouddhisme Mahāyānapar contre, la foi joue un rôle important, bien que variable suivant chaque Ecole. Pour l'Ecole de la Terre Pure, largement dominante en Asie orientale, il s'agit d'une une foi-dévotion envers les Bouddha et les Bodhisattvas,particulièrement le Bouddha Amitābha, dont la seule récitation du nom pourrait apporter le salut. Pour les autres Ecoles, c'est la foi-conviction dans la Bouddhéité en soi, qui est à la fois la Réalité absolue, ultime, éternelle des choses, Vacuité et Ainsité. Le but est alors la renaissance après la mort dans le pays de la Félicité pour les uns, l'Eveil et la réalisation de la Réalité ultime pour les autres.

 

          Un bouddhiste peut-il pratiquer à la fois le bouddhisme originel (ou le Theravāda, le plus proche) de la sagesse, et le Mahāyāna de la foi, ou bien doit-il choisir entre les deux?

          En  fait, ces deux aspects reflètent deux domaines différents de la psychologie humaine: celui du cognitif et celui de l'affectif. Believe (croire en anglais) vient de l'ancien teuton liebe, qui signifie aimer. La foi-dévotion est aussi un amour-abandon, et croire en Dieu c'est aimer Dieu et s'abandonner à lui. La force de croire et d'aimer peut être très puissante et d'un grand secours, lorsque quelqu'un se trouve désespéré et que la raison ne suffit pas à rassurer. Un bouddhiste, d'ordinaire intellectuel, peut être aussi croyant à certains moments, les exemples n'en manquent pas.

          Le choix appartient à chacun, en connaissance de cause, et en se connaissant soi-même.

 

 

                                                                                         Trinh Dinh Hy

                                                                               Villebon s/Yvette, 19/01/2020

 

Notes

 

1) En chinois: 木鱼mùyú, en viêtnamien:.Instrument de percussion en bois creux, dont le son permet de rythmer les prières.

2) En pali: mokkha, sanksrit: mokṣa,chinois: 解脱jiětuō, en vn: giải thoát.

3) p, s: saṃsāra, c: 轮回lúnhúi, vn: luân hồi ou tái sanh.

4) s: bhakti-mārga, karma-mārga et jñana-mārga. mārga signifie chemin (p: magga).

5) s: Siddhārtha Gautama. Vis-à-vis deses disciples, il se nommait tathāgata ("ainsi arrivé"), et ses disciples l'appelaient bhagavān ("bienheureux", "vénéré du monde", "seigneur").

(6) p, s: bodhi, c: 菩提pútí ou 覺悟juéwù, vn: Bồ Đề ou giác ngộ. 

(7) p: ñāṇa, s: jñāna; p:vijjā, s: vidyā; p: paññā, s: prajñā, c: 般若bōrě ou智慧zhìhùi, vn: Bát Nhã ou tríhuệ.

(8) p: paṭicca-samuppāda, s: pratītya-samutpāda, c: 緣起yuánqǐ, vn: duyên khởi.

(9) p: avijjā, s: avidyā, c: 無明wúmíng, vn: vô minh.  

(10) p: tivisa (ou timula), s:  triviṣa (ou trimula), c: 三毒sāndú, vn: tam độc.

(11) p: sīla, s: śīla, c: jiè, vn: giới; p, s: samādhi, c: 三昧sānmèi ou dìng, vn: tam muội ou định.

(12) En Asie Centrale, le gnosticisme est représenté par le manichéisme, religionfondée par Mani au 3è s. et partageant avec le bouddhisme la convictionque c'est la connaissance qui conduit au salut.

(13) p, s: bhakti; p: saddhā, s: śraddhā; c: xìn (pour les deux), vn: đức tin.

(14) Les Kālāma étaient des habitants de la ville de Kesaputta, du pays de Kosala. Ayant appris l'arrivée du Bouddha, ils vinrent lui poser la question sur la fiabilité des propos des moines errants et des prêtres venus prêcher dans leur ville, autrement dit à qui et à quoi faut-il croire (Kālāma-sutta, dans Aṅguttaranikāya 3.65).

(15) p: pañcendriya, c:wǔgēn, vn: ngũ căn; p: pañcabalāni, c:wǔlì, vn: ngũ lực.

(16) 4 étapes de la délivrance: p: sotāpana ousotāpatti, "entré dans le courant"; sakadāgāmi, "ne reviendra qu'une fois"; anāgāmi, "ne reviendra plus"; arahant, "entièrement délivré".

(17) p: tisaraṇa, s: triśaraṇa, c: 三皈sānguī, vn: Tam quy; p: tiratana, s: triratna, c: 三寶sānbǎo, vn: Tam bảo.

(18) Mahāparinibbāna Sūtta en pali, à ne pas confondre avec le Mahāparinirvāṇa Sūtra en sanskrit, très différent et exposant les points de vue du Mahāyāna.

(19) sthavira signifie "ancien, âgé" en sanskrit, et correspond à thera en pali. Parmi les nombreuses branches du Sthaviravāda (c: 上座部shàngzuòbù, vn: Thượng toạ bộ) apparues ultérieurement, seule le Theravāda persistera jusqu'à aujourd'hui.

(20) s: Sarvāstivāda: de sarvā = tout, asti = être. (c: 一切有部yīqièyǒu bù; vn: Nhất thiết hữu Bộ).

(21) s: trikāya, c: 三身sānshén, vn: Tam thân. Ce sont: 1) le corps detransformation, s: nirmāṇakāya, c: 化身huàshēn, vn: Hóa thân; 2) corps defélicité,s: saṃbhogakāya, c: 報身bàoshēn, vn: Báo thân;3) le corps du Dharma, s:dharmakāya,c: 法身fǎshēn, vn: Pháp thân.

(22) Selon la tradition bouddhique ancienne, il existe 3 types de Bouddha (ou 3 véhicules conduisant à la Bouddhéité): 1) celui des Auditeurs, p: sāvaka, s: śrāvaka, c: 声闻shēngwén, vn: Thanh văn; 2) celui des Bouddha solitaires, p: pacceka-buddha, s: pratyeka-buddha, c: 辟支佛bìzhī fó, vn: Bích Chi Phật (ou Duyên giác); 3) celui du BouddhaParfaitement Eveillé, p: sammā-sambuddha, s: samyak-sambuddha, c:正等正覚佛zhèngděng zhèngjué , vn: Phật Chánh đẳng Chánh giác. Le Mahāyāna remplace le 3è par celui du Bodhisattva(bodhisattva-yāna), tout en reconnaissant le BouddhaParfaitement Eveillé.

(23) s: amitābha,  amitāyus, c: 阿彌陀Āmítuó, vn: A-di-đà, j: Amida. s: Sukhāvatī, c: Xītiān jílè 西天極樂, vn: Tây phương Cực lạc.

(24) Toutes ces notions désignent la Réalité ultime, selon le Mahāyāna: s: tathāgatagarbha, c: 如来蔵rúláizàng, vn: Như Lai tạng; s: buddhatā, c: 佛性fóxìng, vn: Phật tánh; s: dharmadhātu, c: 法界făjiè, vn: Pháp giới; s: ālayavijñāna, c: 阿賴耶識ālàiyēshí, vn: A-lại-da thức; s: tathātā, c: 真如zhēnrú, vn: Chân như.

(25) p: suññatā, s: śūnyatā, c: 空性kōngxìng, vn: không. s: prajñāpāramitā, c: 般若波羅蜜bōrě bōluómì, vn: Bát-nhã Ba-la-mật-đa. s: hṛdaya sūtra, c: 心經xīnjīng, vn:Tâm Kinh. s: Vajracchedikā sūtra, c: 金剛Jīngāng jīng, vn: Kinh Kim cang.

(26) s: Nāgārjuna, c: 龍樹Lóngshù, vn: Long Thụ. Traité du Milieu: s: Mūlamadhyamaka-kārikā, c: Zhōnglùn, vn: Trung luận.

(27) s: Mahāyāna-śraddhotpāda śāstra, c: 大乘起信論Dàshèng qǐxìn lùn, vn: Đại thừa Khởi tín luận.

(28) Principales Ecoles bouddhiques en Asie orientale: 1) Trois traités (vacuité), c: 三論Sānlùn, j: Sanron, vn: Tam luận; 2) Plate-forme Céleste, c: 天台Tiāntái, j: Tendai, vn: Thiên Thai; 3) Ornementation Fleurie, c: 華嚴Huáyán, j: Kegon; vn: Hoa Nghiêm; 4) Terre Pure, c: 淨土Jìngtǔ, j: Jōdo, vn: Tịnh Độ; 5) Méditation, c: , Chán, j: Zen, vn: Thiền); 5) Ésotérique, c: 密宗Mìzōng ou 真言zhēn yán, j: Shingon, vn: Mật tông.

(29) Nom complet en s: Pratyutpannabuddha Saṃmukhāvasthita Samādhi Sūtra, c: bānzhōu sānmèi jīng般舟三昧經, vn: Kinh Ban Chu Tam muội.

(30) s: buddhānusmṛti, c: niànfó, j: nembutsu, vn: niệm Phật.

(31) "force-de-soi" c: zìlì, j: jiriki, vn: tự lực; "force-de-l'autre" c: tālì, j: tariki, vn: tha lực.

(32) c: 正法zhèngfă, vn: chánh pháp; c: xiàngfă, vn: tượng pháp; c: 末法mòfă, j: mappo, vn: mạt pháp.

(33) c: 往生淨土wăngshēng jìngtǔ, vn: vãng sanh Tịnh độ.

(34) p: upāya kusala, s: upāya kausalya, c: 善巧方便shànqiǎo fāngbiàn, vn: phương tiện thiện xảo.

(35) Sutra du Lotus, s: Saddharma-puṇḍarīka Sūtra, c: 妙法蓮華經Miàofǎ Liánhuá jīng, j: Myōhō Renge Kyō, vn: Kinh Diệu Pháp Liên Hoa.